Source : Science et Avenir Il aura fallu attendre le 20e siècle… et le relâchement du puritanisme pour que la science s’intéresse aux organes génitaux. Elle s’est bien rattrapée depuis, mettant le nez dans un capharnaüm pour le moins inattendu ! Les sexes ont en effet des formes si variées que, dès 1955, l’entomologiste René Jeannel affirmait que pénis et vagins constituaient la meilleure façon de différencier les espèces entre elles. Quant aux pratiques sexuelles… Il y a plus de 450 millions d’années, les premiers colonisateurs des terres émergées ont dû résoudre un problème vital. En effet, le milieu marin, salé, conserve si bien ovules et spermatozoïdes que les poissons peuvent se reproduire à grande distance en lâchant semence et oeufs dans les courants. Mais sur terre, le rayonnement solaire dessèche ces fragiles tissus biologiques. L’évolution a donc trouvé la parade : faire en sorte que la fécondation se fasse à l’intérieur du corps de la femelle. Les organes mâles ont des formes plus diverses que le sexe féminin !À partir de ce schéma de principe, la nature s’est révélée très imaginative. René Jeannel avait découvert que les innombrables espèces de coléoptères cavernicoles dont il était spécialiste -, pourtant d’apparence très similaire, présentaient une grande diversité de pénis : oblongs ou rectilignes, dotés de pinces, de dents, de poils et même de piquants… Une variabilité observée, depuis, chez tous les animaux. Cité par le biologiste néerlandais Menno Schilthuizen*, le chercheur Peter Woodall a ainsi comparé les pénis des 18 espèces de macroscélididés, des mammifères insectivores proches des musaraignes. Ces petits rongeurs sont tous dotés d’un organe long comme la moitié de leurs corps… mais dont l’extrémité varie selon l’espèce ; certaines arborent des rangées d’épines, d’autres des sortes d’oreilles tombantes ou encore des collerettes ! Les primates n’échappent pas à la règle : l’homme est doté d’un corps spongieux gonflé par un afflux sanguin, chimpanzé et bonobo possèdent un os pénien… et les guenons un clitoris de plusieurs centimètres de longueur. Cet article est tiré de Sciences et Avenir hors-série 188, daté janvier/février 2017, "le Mystère des origines". Toutefois, si introduire un organe sexuel dans un autre est devenu une ardente nécessité pour la survie des espèces terrestres, la pénétration n’est pas la seule technique utilisée par les animaux. Les mâles araignées tissent ainsi une petite toile dite spermatique dans laquelle ils se masturbent. Puis ils recueillent leur semence sur des appendices situés de chaque côté de la tête, les pédipalpes, grâce auxquels ils la déposeront dans la spermathèque de la femelle. Pourquoi une telle diversité ? La théorie qui a longtemps fait florès est celle de « la clé et la serrure » : chaque espèce possédant ses organes reproducteurs mâles et femelles spécifiques, les mélanges entre espèces proches seraient ainsi évités. Mais cette « règle » est de plus en plus discutée. Les échanges inter-espèces donnant des individus stériles, pourquoi en effet y ajouter une précaution supplémentaire ? Et l’exemple des bourdons, dont les mâles ont des « clés » différentes mais les femelles, la même « serrure », se révèle troublant. Au point que les biologistes s’en tiennent aujourd’hui à affirmer… que les organes mâles ont des formes plus diverses que le sexe féminin !*Comme les bêtes, Flammarion, 2014.